Les poètes, les artistes, traducteurs infatigables des souffrances humaines, se
trouvent pris, eux aussi, dans la toile intangible de douleurs secrètes.
Ainsi Paul Klee … Le narcissisme en lutte avec les objets.
On peut lire sur son épitaphe cet extrait de son journal :
Ici repose le peintre
Paul Klee,
né le 18 décembre 1879,
mort le 29 juin 1940.
Ici-bas je ne suis guère saisissable
car j’habite aussi bien chez les morts
que chez ceux qui ne sont pas nés encore,
un peu plus proche
de la création que de coutume,
bien loin d’en être jamais assez proche.
Paul Klee, atteint d’une maladie grave, la sclérodermie, qui va influencer en
partie son travail comme le montre Hans Suter. ( Paul Klee et sa maladie, édition française, traduite à l’initiative du groupe français de recherche sur la sclérodermie (gfrs), disponible auprès de l’auteur, imprimé en suisse en 2007 ; édition allemande; stämpfi ed. 2006, Paul Klee und seine krankheit.
Différentes figurations des vicissitudes d’un moi ébranlé par les émotions ?
Les représentations sont assez explicites : corps morcelés, disloqués, corps
filaires étirés, inquiets, apeurés, tentant de fuir l’épreuve, l’angoisse, la
terreur, la douleur. Les séries de dessins, de peintures s’accumulent, se
succèdent à un rythme presque inquiétant, comme si Klee se trouvait dans
une contrainte urgente d’exprimer, avec sa technique, son savoir faire, sa
sensibilité artistique, la précarité de l’existence même. La série des
funambules, les recherches sur l’équilibre l’ont accompagnée toute sa vie.
Fragilité des assises narcissiques, clinique psychosomatique sont
massivement convoqués dés qu’il s’agit d’interpréter cette production
effrénée, sans limite, dans laquelle les corps sont sans enveloppe.
La peur, la fuite dans un espace fermé, les contours des toiles sont autant
d’espaces de projections ou d’identifications projectives. Sclérodermie : son
enveloppe cutanée devient parcheminée, métamorphose le peintre en momie
pharaonique. (Détachement de l’âme, 1934)
Paul Klee illustre littéralement la confusion psyché-soma qui s’opère lors de
l’avènement de la douleur corporelle dans une série de tableaux représentant
des corps agités et enlacés.
La douleur est effraction, elle suppose l’existence de limites : limites du corps, limites du moi ; elle entraine une décharge interne, ce qu’on pourrait appeler un effet d’implosion.
Je souligne ce passage d’un texte de J.-B Pontalis extrait de Entre le rêve et la douleur, (Gallimard, 2000) en référence à la série « explosion de peur » qui représente des corps morcelés.
Le caractère continuel du processus d’investissement, l’impossibilité de l’inhiber, produisent le même état de détresse psychique. Dans le cas de l’investissement concentré sur une partie lésée du corps (douleur) ou dans le cas de l’investissement de nostalgie dirigé sur un objet manquant ou perdu (angoisse).
Freud cité par J.-B. Pontalis
La douleur reste nue… comme le goût de la vie, tous deux sont intimement liés, nous
dit Catherine Chabert dans La douleur du transfert : une force d’attraction ? Actes de la journée scientifique du Laboratoire de Clinique et Psychopathologie, LPCP ; Le Carnet PSY. Février 2014, n°177 ;
Paul Klee a toujours accompagné ma pensée, je ne sais pourquoi. L’apparence fragilité des dessins, la grâce, la légèreté qui émane de ses tableaux m’ont éduqué à l’art, de façon empirique, désordonnée, agité comme lui certainement.
Attendre relève de l’art
Prenez une plante verte, un Ficus
Seule confidente de l’homme
Assis face à un tableau de Paul Klee
Voyage en Tunisie, il pense,
Combien de larmes ces feuilles
Ont elles absorbées ?
Jean-Claude Bourdet
J’adore Paul Klee, comment faut-il entendre ces pauvres mots… face à l’intensité de sa peinture.
Merci pour les mots ici.
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